Les moteurs à combustion peuvent-ils permettre d'atteindre la neutralité climatique ?

Les moteurs à combustion peuvent-ils permettre d'atteindre la neutralité climatique ?

Un éditorial Acaplast

Une coalition d'acteurs du secteur du transport routier a écrit une lettre ouverte à Emmanuel Macron, président de la France (qui assure actuellement la présidence de l'Union européenne), suggérant que les moteurs à combustion interne (ICE, internal combustion engines) ont un rôle important à jouer pour atteindre la neutralité climatique d'ici 2050. La Commission européenne (la branche exécutive de l'UE qui élabore la législation européenne) a indiqué son intention de bannir effectivement les moteurs à combustion interne par l’interdiction de la vente de voitures neuves fonctionnant à l'essence ou au gazole à partir de 2035.

Les émissions nocives, également appelées gaz à effet de serre, sont la principale raison de la disgrâce des moteurs à combustion interne. Ces émissions sont liées à des effets de grande envergure sur l'environnement et la santé, ce sont des polluants rejetés lorsque des hydrocarbures, tels que l'essence et le gazole, sont brûlés dans des véhicules équipés de moteurs à combustion interne.

La proposition de poursuivre l'utilisation des moteurs à combustion interne semble donc contre-intuitive, mais les auteurs de la lettre expliquent pourquoi ils pensent qu’elle est pertinente. Nous allons résumer les principaux sujets abordés dans la lettre, datée du 17 mars 2022, et nous recueillerons la réaction de Jérémie Choukroun, le PDG d'Acaplast.

Les signataires de la lettre incluent des associations représentant des acteurs du secteur de l'énergie dans le domaine des gaz renouvelables et des carburants durables, des équipementiers et des fournisseurs de composants, des exploitants de flottes et des producteurs agricoles. La lettre démontre clairement un engagement en faveur de la décarbonisation, mais s'inquiète de la trop grande priorité accordée par la Commission européenne aux véhicules électriques (VE) pour atteindre ses objectifs, au détriment d'autres technologies.

La nécessité d'agir n'est plus un choix, mais un impératif en Europe. Le secteur des transports représente 27 % des émissions totales de CO2 de l'UE, le transport routier en représente 19 %. L’objectif climatique pour 2030 est une réduction d'au moins 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre par rapport à 1990 et l'Union européenne a un objectif légal d'atteindre la neutralité climatique d'ici 2050.

L'Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) a déclaré qu'interdire une technologie spécifique n'est pas rationnel et que les moteurs à combustion interne, les hybrides, les véhicules électriques à batterie et à hydrogène ont tous un rôle à jouer dans la transition énergétique. Alors que l'UE adopte une stratégie d'utilisation de véhicules électriques et soutient également l'hydrogène comme alternative aux moteurs à combustion interne, elle semble ignorer les avantages des carburants renouvelables et à faible émission de carbone.

Voici un résumé des questions soulevées dans la lettre au président Macron :

  1. Pourquoi l'UE n'intègre-t-elle pas les carburants renouvelables et à faible émission de carbone dans sa politique visant à atteindre la neutralité climatique ?  Lorsqu'ils sont utilisés dans un moteur à combustion interne efficace, les biocarburants durables (matières dérivées de plantes et d'animaux) et les e-carburants (provenant d'énergies à faible émission de carbone et de CO2 recyclé), offrent une réduction des émissions comparable à celle des véhicules électriques.
  2.  
  3. Pourquoi l'UE ne prend-elle pas en compte les 300 millions de véhicules existants équipés d'un moteur à combustion interne pour accélérer la décarbonisation du transport routier ?  La coalition des transports routiers souligne que l'utilisation de carburants renouvelables ou à faible émission de carbone dans les moteurs à combustion interne peut compléter l'électrification pour obtenir une réduction immédiate des émissions nocives. En effet, pourquoi attendre 2035 ?
  4.  
  5. Pourquoi l'UE risque-t-elle de perdre 500 000 emplois dans le secteur automobile en Europe en interdisant le moteur à combustion interne au lieu d'abandonner progressivement les carburants fossiles et de les remplacer par des carburants renouvelables et à faible émission de carbone dans tous les modes de transport ?  La production de systèmes à moteurs à combustion interne fait partie intégrante de l'industrie automobile, qui représente une part importante de l'emploi européen. La lettre indique que les niveaux d'émissions basés sur des carburants renouvelables et à faible émission de carbone sont bien inférieurs à ceux fixés par l'UE.
  6.  
  1. Pourquoi l'UE renoncerait-elle à son leadership technologique et industriel sur les moteurs à combustion interne, au profit d'autres régions, telles que la Chine ?  Le secteur représente des millions d'emplois européens dans la chaîne de valeur automobile globale, ce qui inclut les constructeurs automobiles, les fournisseurs et les entreprises liées au transport routier. L'abandon des moteurs à combustion interne rendrait-il l'Europe moins compétitive ?
  2.  
  1. Pourquoi une visibilité et une prévisibilité réglementaires sont-elles nécessaires à l'inclusion des carburants renouvelables et à faible teneur en carbone dans le mélange énergétique des transports ?  Le développement de ces technologies nécessitera des investissements massifs en temps et en argent, et l'industrie a besoin d'une stratégie claire et de politiques cohérentes. À ce jour, l'accent a été mis sur des politiques du réservoir à la roue, qui ignorent les avantages des carburants biogéniques et du carbone circulaire.
  2.  
  1. Pourquoi les acteurs de la chaîne de valeur du transport routier recommandent-ils d'urgence d'inclure les carburants renouvelables et à faible teneur en carbone dans les normes d'émission de CO2 pour les voitures et camionnettes neuves ?  Le développement dès aujourd'hui des technologies et des stratégies devant garantir dans le futur un large éventail d'options de mobilité neutres en carbone est essentiel. Celles-ci doivent inclure des carburants à faible émission de carbone, ainsi que l'hydrogène et l'électrification au profit des utilisateurs finaux de la mobilité.

 

LE POINT DE VUE D'ACAPLAST :

Le marché automobile est en pleine évolution et il est nécessaire de disposer de plusieurs solutions pour différents scénarios de mobilité. Les véhicules électriques sont pertinents dans les centres-villes, qui cherchent à réduire la pollution, et pour les trajets courts qui ne nécessitent pas des recharges fréquentes (et chronophages). Les combustibles fossiles épurés et les biocarburants renouvelables sont pertinents pour les longues distances, lorsque le temps de ravitaillement est significatif. Vous pouvez ajouter des véhicules à hydrogène au mélange du transport lourd, des transports publics, des transports naval et aérien.

N’oubliez pas la différence significative entre la quantité d'énergie générée par un moteur à combustion interne et celle qui provient d'une batterie électrique. L'énergie par kilo de chaque technologie varie considérablement et le choix forcé de l'électricité face au moteur à combustion interne posera des problèmes aux entreprises de camionnage qui transportent des marchandises sur de longues distances.

En outre, l'infrastructure de recharge des véhicules électriques et le ravitaillement en hydrogène n'est tout simplement pas encore en place dans toute l'Europe pour pouvoir faire correspondre la demande et les objectifs en approvisionnement énergétique. Et vous devez vérifier que l'électricité et l'hydrogène sont réellement verts, c'est-à-dire s'ils proviennent de sources renouvelables. Sinon, dans quelle mesure sont-ils vraiment durables, c'est-à-dire neutres pour le climat ?

Il faut aussi tenir compte du temps nécessaire à l'évolution des habitudes de conduite. Depuis des décennies, les conducteurs jouissent de la grande liberté que procurent les voitures en parcourant de longues distances pour leur travail ou leurs loisirs, et dont le plein de carburant ne leur prend que quelques minutes. Bien que la disponibilité des chargeurs rapides s’accroisse et que les temps de charge des batteries électriques se réduisent, même un superchargeur prend 40 minutes pour recharger complètement une voiture électrique.

Nous nous sommes concentrés sur le marché de la mobilité dans les économies avancées, mais qu'en est-il des pays moins fortunés qui n'ont aucune infrastructure de recharge électrique ou de ravitaillement en hydrogène ?  Ces facteurs se combinent avec un faible pouvoir d'achat, qui met le coût d'achat de véhicules dotés de ces nouvelles technologies hors de portée de la personne moyenne, et vous obtenez ainsi une approche globale déséquilibrée pour traiter les défis climatiques.

En 2008, des « esprits avisés » ont tenté de résoudre le problème des émissions de CO2 avec de l'éthanol issu du maïs, qui avait des conséquences environnementales imprévues entraînant une pénurie d'eau et un manque de terres fertiles pour nourrir la planète. Veillons à ne pas créer un nouveau problème aujourd’hui en essayant d'en résoudre un autre.

Tandis que les véhicules électriques étaient largement adoptés en tant que solution aux émissions nocives, il a été accordé moins d'attention aux inconvénients de leur l'utilisation. L'une des principales préoccupations est le besoin en éléments de terres rares utilisés dans les batteries des véhicules électriques. L'extraction minière de ces terres rares est en soi une activité polluante, qui produit de grandes quantités de déchets toxiques, tels que des résidus radioactifs. Les véhicules électriques contiennent des éléments (dans les batteries lithium-ion, les puces électronique et d’autres composants électriques) qui sont toxiques et présentent également un risque d'incendie lorsqu'ils sont éliminés ensemble.

La complexité des batteries des VE les rend très difficiles à démonter et à recycler. Le remplacement d’une forme de pollution (émissions de carbone) par une autre (dégradation de l'air, du sol et des réservoirs d'eau souterraine) présente donc un danger très réel.

Le cycle de vie des véhicules doit être étudié afin de déterminer les technologies les plus pertinentes que les gouvernements doivent soutenir. Les véhicules produits dans les économies développées, telles que l’Europe, changent souvent de mains trois fois au cours de leur durée de vie. Une voiture neuve peut être achetée au Royaume-Uni, revendue à un deuxième propriétaire en France et éventuellement revendue à un troisième propriétaire au Maroc. C'est une bonne pratique pour prolonger la durée de vie du véhicule.

Cependant, les obstacles mentionnés précédemment faisant obstacle à la progression des véhicules à propulsion alternative dans le monde en développement, il est fort probable que ce seront des véhicules à moteurs à combustion interne qui y trouveront leur dernier domicile. Il est donc encore plus logique d'encourager l'utilisation des biocarburants pour réduire les émissions globales.

Mieux encore, les gouvernements et l'industrie doivent se pencher sur l'ensemble du secteur des transports et au-delà pour tenter de résoudre le problème des émissions d'hydrocarbures. La France souffre d’un réel manque de transport multimodal pour le fret, l'essentiel étant transporté par camion. Des efforts ont été entrepris pour relancer les réseaux ferroviaires et fluviaux européens afin de pouvoir acheminer le fret plus efficacement en réduisant l'impact sur l'environnement. Cette démarche pourrait-elle être étendue pour créer des solutions globales ?

Alors que l'Europe investit massivement dans des options plus vertes de production de l'énergie, ne doit-on pas faire davantage pour aider les économies en développement à trouver également des solutions plus vertes ?  Les biocarburants (matières dérivées des plantes et des animaux) peuvent être fabriqués à partir d'algues, alors pourquoi ne pas encourager la culture locale des algues dans des étangs artificiels, sur des terres ne permettant pas l'agriculture traditionnelle ?  L'impact sur les ressources en eau douce est minime, car les algues peuvent être cultivées dans une solution saline ou même dans des eaux usées, ce qui produit une source d'énergie alternative et renouvelable. Les opportunités de solutions innovantes sont nombreuses.

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Acaplast est une entreprise qui s'est toujours adaptée à son temps, nous sommes passés de l'artisanat à l'industrie en six décennies. Et nous avons été poussés par la nécessité d'adapter nos activités aux attentes de nos clients, afin que nous puissions tous atteindre nos objectifs futurs. Mais nous devons veiller à ce que le succès ne se construise pas au détriment d’autres entreprises et de leurs employés, ou de la planète. Cela représente un équilibre parfois difficile à trouver.

 

Image : Adam Connell/LLNL

Cliquez ici pour le lien vers la lettre complète au Président Macron.

 

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